Baisers volés (1968)
Posté le 2012-04-24 11:48:18

En 1967, François Truffaut décide de retrouver le personnage d'Antoine Doinel, que Jean-Pierre Léaud a incarné dans Les Quatre Cents Coups et un sketch de L'Amour à vingt ansAntoine et Colette»). Le film est un temps intitulé Un jeune homme à Paris et le cinéaste pense faire travailler son héros dans un journal. Dans ce but, il demande au journaliste Guy Teisseire de lui fournir une liste de notes et d'anecdotes, mais il renonce finalement à cette idée et une publicité au dos d'un annuaire le convainc d'en faire un détective privé. Il charge alors Claude de Givray et Bernard Revon de mener une enquête au sein de l'agence Dubly. Ils en reviennent avec quantité d'informations, notamment sur la façon de faire un faux constat d'adultère. Truffaut intègre cette «technique» au scénario et, de nouveau, s'inspire d'épisodes de sa propre vie. Ainsi, Doinel finit-il comme lui sa période militaire par de la prison à la caserne Dupleix.

Le fil rouge du récit est l'hésitation d'Antoine Doinel entre deux femmes. D'un côté, Fabienne Tabard qu'il idéalise totalement, et de l'autre, Christine Darbon, la fille sage de bonne famille. La première est associée à la Madame de Mortsauf du Lys dans la vallée, que Doinel lit d'ailleurs au début du film. Truffaut voit en Delphine Seyrig l'interprète parfaite. ; peut-être sait-il qu'elle a failli incarner l'héroïne de Balzac dans un téléfilm plusieurs fois ajourné (il sera finalement tourné en 1969)... La scène où Doinel est troublé par Mme Tabard et répond à la question «Vous aimez la musique, Antoine ?» par «Oui, monsieur», est inspirée par un livre de souvenirs d'Anatole France, Le Livre de mon ami.

Pour Christine, Truffaut engage une jeune comédienne de théâtre, Claude Jade, qui n'a encore jamais fait de cinéma, et s'éprend d'elle. C'est la deuxième fois, après Marie-France Pisier sur «Antoine et Colette», qu'il éprouve des sentiments pour l'interprète d'une petite amie de Doinel, son double... «Petit à petit, il commence à me faire la cour, se souvient Claude Jade. Il m'envoie des fleurs, des lettres tendres. J'ai dix-neuf ans. Lui, dix-sept de plus. Je tombe réellement amoureuse au cours d'une scène où Antoine et Christine passent leur première nuit dans un lit. François me prend une mèche de cheveux que, très délicatement, il replace sur mon visage. Je suis à la fois troublée et éperdue d'admiration.» Truffaut la demande en mariage et Jean-Claude Brialy doit être son témoin. Mais au dernier moment, il renonce... Par la suite, leur relation se transforme en amitié. «Je pense qu'il aurait été un mari infidèle, il a été un ami délicieux.»

Daniel Ceccaldi/PER], qui joue le rôle du père de Christine, retrouve Truffaut quatre ans après La Peau douce et remarque qu'il a évolué au niveau technique. Sur le film précédent, «le son n'était pas enregistré : il n'y avait ni perchman ni ingénieur du son. Il pensait que la présence du micro influençait la prise de vues et que, selon son emplacement, il modifiait le jeu des acteurs. Le film fut donc entièrement post-synchronisé. (…) Sur Baisers volés, il y avait une équipe de cinéma normale avec un perchman, un ingénieur du son, etc. Sa façon de travailler, elle, était toujours la même. Il indiquait peu de choses aux acteurs mais ce qu'il obtenait était toujours juste» Claude Jade se souvient que «François griffonnait les dialogues sur un coin de table une demi-heure avant le tournage, ce qui a donné un air naturel et improvisé au texte. Mais il état très rigoureux dans sa façon de tourner, précis dans le choix des mots et la manière de les prononcer. Une seule scène es improvisée dans le film : celle où je suis censée deviner le métier d'Antoine. Là, j'ai inventé mon texte.»

Le tournage est légèrement perturbé par «l'affaire Langlois». En effet, le ministre de la culture André Malraux a provoqué un scandale en renvoyant Henri Langlois de la direction de la Cinémathèque française. Aussitôt, Truffaut se mobilise, et avec lui, Godard, Chabrol, Bresson, Resnais, Berri, Franju... Le 12 février 1968, une bonne partie de l'équipe de Baisers volés (dont Jean-Pierre Léaud et Claude Jade) se joint aux manifestants qui bloquent l'entrée de la Cinémathèque. Deux jours plus tard, la police charge. Truffaut est commotionné, Godard perd ses lunettes noires, Tavernier a le visage en sang. Mais Langlois est finalement rétabli dans ses fonctions. Pour le remercier de ses efforts, ce dernier propose à Truffaut d'organiser la première de Baisers volés dans la salle du Palais de Chaillot. A l'issu de la projection, il lui dit : «Ce petit couple, je veux le revoir, marié, dans les premiers mois de la vie conjugale.» L'idée fait son chemin et, deux ans plus tard, le cinéaste entame le tournage de Domicile conjugal...

Philippe Lombard

[Sources : «Madame Figaro» n°1051, «TéléObs Cinéma» du 11 novembre 2000, «François Truffaut» de Antoine de Baecque et Serge Toubiana (Gallimard, 1996), «Baisers envolés» de Claude Jade (Milan, 2004), «Le Dictionnaire Truffaut», collectif (La Martinière, 2004)]

Titre Original :
BAISERS VOLES

Titre anglais :
STOLEN KISS

Année : 1968

Nationalité : France

Réalisé par :
François Truffaut

Ecrit par :
François Truffaut, Claude de Givray & Bernard Revon

Musique de :
Antoine Duhamel

Interprété par :
Jean-Pierre Léaud, Delphine Seyrig, Claude Jade, Michael Lonsdale & Daniel Ceccaldi


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