Les Professionnels (1966)
Posté le 2013-01-28 23:10:58

En 1966, un an après LORD JIM, Richard Brooks reste dans le film d'aventures avec LES PROFESSIONNELS, inspiré d'un roman de Frank O'Rourke, A Mule for the Marquesa. «J'ai opéré beaucoup de changements. Je préfère d'ailleurs les petits sujets comme celui-là. Personne ne connaît l'histoire, et on ne discute jamais l'adaptation. » Le livre ne parlait pas de la révolution mexicaine et Brooks décide de l'y intégrer. Un riche homme d'affaires engage quatre mercenaires pour aller récupérer sa femme, enlevée par le révolutionnaire Jesus Raza contre une rançon. Dans le groupe, deux des Américains sont d'anciens sympathisants de la cause mexicaine. «Ils avaient simplement commencé, dans le temps, par goût de l'action et des femmes ; puis ils ont été pris par la révolution mexicaine puis ils l'ont quittée. (…) Vers la fin de l'histoire, ils comprennent que la femme n'a pas été réellement enlevée mais qu'elle s'est enfuie de chez elle et que le vrai kidnappeur est en fait le mari. Ils doivent alors faire un choix : ou bien, ils la laissent libre et perdent chacun neuf mille dollars ou ils la ramènent et empochent les dix milles dollars. Pour moi, dans les westerns, il y a un point primordial : les types honnêtes ont toujours le sens de l'honneur. Ils savent qui ils sont et ils ne feront rien qui puisse mettre leur honneur en danger, que ce soit pour de l'argent ou pour n'importe quoi d'autre. »

Une fois le scénario accepté par la Columbia, Richard Brooks établit son casting. Il imagine Lee Marvin pour le chef du groupe. L'acteur est alors à un tournant : il vient de remporter l'Oscar du meilleur acteur pour CAT BALLOU mais ne s'est pas encore imposé comme «leading actor». L'idée de ne plus incarner de seconds couteaux ni de méchants lui plaît, d'autant que le cinéaste lui apprend qu'il donnera dans le film des ordres à Burt Lancaster... Woody Strode quitte momentanément le plateau de FRONTIERE CHINOISE de John Ford pour aller rencontrer Richard Brooks, qui lui dit ceci : «Il est temps de montrer un cow-boy noir du Far West. Le scénario parle d'un mélange de Mexicain, d'Irlandais et d'Indien, mais je vais en faire un sang-mêlé, mi-Indien, mi-noir.» Le rôle demande à Strode une longue préparation physique : il apprend la pratique du tir à l'arc avec le cascadeur Richard Farnsworth (le futur interprète de UNE HISTOIRE VRAIE de David Lynch) et l'art de l'équitation et du lasso avec un vrai cow-boy, Jack Carey. Robert Ryan est la quatrième larron, tandis que le révolutionnaire et sa compagne sont interprétés par Jack Palance et Claudia Cardinale.

Le tournage se déroule à la frontière de l'Arizona et de l'Utah, à Monument Valley. «Un décor grandiose et inhumain» selon Claudia Cardinale, qui se console du climat et de la dureté du travail par la présence de son partenaire du GUEPARD, Burt Lancaster. «Le matin, par la fenêtre, il répétait toujours ses exercices acrobatiques. Il avait alors presque cinquante ans et un corps toujours aussi superbe. Tous mes mercenaires étaient de sacrés numéros : il y avait Lee Marvin, que je laissais au bar le soir, et que je retrouvais à la même place. Une force de la nature, lui aussi. Même après les nuits de pire beuveries, il n'a jamais raté un jour de tournage, pas même une réplique. Il prenait une douche et c'était reparti. »

L'actrice italienne n'a cependant pas assisté aux trois premières semaines de tournage... «Nous étions arrivés à une scène difficile», se souvient Richard Brooks. «Il faisait torride. Nous commençons à répéter et je sentis que quelque chose ne tournait pas rond. Je vis ce que c'était. Marvin était plein comme une barrique. Il oublia son texte, sortit du champ, perdit complètement les pédales. » Il décide de renvoyer l'acteur à son hôtel pour le week-end (ce qui nécessite trois personnes pour le faire monter en voiture, et quatre autres, dont Woody Strode, pour s'assurer qu'il ne quitte pas sa chambre). «Le lundi matin, il se présenta au travail à l'heure dite. Je le pris à l'écart. Il était 7h30 du matin. Il y avait déjà assez de lumière pour tourner. Je lui ai montré une petite boîte de film, une trentaine de mètres à peine, et je lui ai dit : «Ça, Lee, c'est le négatif.... LE NEGATIF de ce que tu as tourné vendredi. Si on en tire une copie, ta carrière est foutue. Tu es à un tournant, tu dois faire très attention. Si quelqu'un a tous les atouts en main, c'est bien toi. (…) Alors, ne gâche rien, veux-tu ?» Lee Marvin comprend très bien et regarde Brooks brûler le négatif devant ses yeux. «Après cela, nous n'avons pas eu le moindre accrochage. »

Claudia Cardinale doit un jour remplacer sa propre doublure, immobilisée à cause d'un accident, pour une scène à cheval au milieu d'explosions. Malgré son peu d'expérience, elle accepte le défi et le remporte. Elle fait également preuve de détermination pour un autre type de scène... «Il était prévu, dans le scénario, une scène où on m'arrachait mon chemisier. Mais jamais je n'ai montré mes seins au cinéma. J'ai tourné près de deux cents films en réussissant cette performance. (…) Richard avait pris la précaution de garder ce maudit plan pour la fin du film, sûr qu'à ce moment-là il m'aurait suffisamment apprivoisée ou que je n'oserais plus lui dire non. Moi, j'en ai profité pour contacter la costumière de Marlene Dietrich. Avec Visconti et Noureev, j'avais vu Marlene sur scène, à Londres. Elle semblait habillée par la lumière, d'une auréole de paillettes et de plumes... On aurait dit qu'elle était nue en dessous, en fait, elle était couverte d'un voile couleur chair. C'est ce qu'il me fallait. Je me suis fait faire une sorte de justaucorps à l'identique sans rien dire à personne. Le jour de la scène, quand Burt a arraché mon chemisier... ce sont eux qui se sont retrouvés stupides. J'ai beaucoup ri ce jour-là. Brooks a bien été obligé de laisser tomber. »

Après le tournage, Lee Marvin invite Woody Strode dans sa maison de Malibu et lui lit une lettre de la Columbia expliquant comment le film va commencer et lui demandant son accord. Il est prévu que chaque acteur soit introduit avec une courte séquence et son nom inscrit sur l'écran dans cet ordre : Lee Marvin, Robert Ryan, Woody Strode et Burt Lancaster. «Lee s'est arrêté de lire et m'a dit : «Tu pensais un jour avoir ton nom avant celui de Burt Lancaster ? Moi, je signe.» Et sans crier gare, il s'est penché vers moi et m'a embrassé sur la bouche ! »

Philippe Lombard

[Sources : «Lee Marvin» de Donald Zec (France-Empire, 1980), «Richard Brooks» de Patrick Brion (Chêne, 1986), «Goal Dust: The Warm and Candid Memoirs of a Pioneer Black Athlete and Actor» de Woody Strode (Madison Books, 1990), «Mes étoiles» de Claudia Cardinale (Michel Lafon, 2005)]

Titre Original :
PROFESSIONALS, THE

Titre français :
PROFESSIONNELS, LES

Année : 1966

Nationalité : Etats-Unis

Réalisé par :
Richard Brooks

Ecrit par :
Richard Brooks & Frank O'Rourke

Musique de :
Maurice Jarre

Interprété par :
Burt Lancaster, Lee Marvin, Robert Ryan, Claudia Cardinale, Woody Strode, Jack Palance, Ralph Bellamy, Joe De Santis & Rafael Bertrand


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