True Lies (1994)
Posté le 2013-10-10 02:01:42

En décembre 1991, LA TOTALE de Claude Zidi sort sur les écrans. «Le film est né d'une visite au salon Milipol du Bourget, explique le réalisateur, consacré à l'espionnage et proposant à des gens en costume-cravate des gadgets incroyables. J'ai ensuite imaginé un espion se servant des moyens de son service pour "décrypter" sa famille qu'il connaît, au fond, assez mal.» Thierry Lhermitte incarne cet agent, surnommé «l'Épée», aux côtés de Miou-Miou, Eddy Mitchell et Michel Boujenah. Avec 1.639.813 entrées, cette comédie est le troisième succès français de l'année (après TOUS LES MATINS DU MONDE et UNE ÉPOQUE FORMIDABLE) mais ce n'est pas ce qui pousse les Américains à en faire un remake.

«J'ai fait sous-titrer des cassettes en anglais lors de mon passage à l'American Film Market de Los Angeles, se souvient Zidi. L'une d'elles a abouti chez le beau-frère de Schwarzenegger, qu'il s'est empressé d'appeler : "Dis donc, toi qui cherche des idées de comédies familiales avec de l'aventure, je viens de voir un petit film français..."» L'acteur suit le conseil de Bobby Shriver et s'emballe pour cette idée. Mais il sait déjà que le projet va nécessiter un gros travail d'adaptation. «C'était trop statique pour un film américain. Il fallait plus d'action et d'énergie. J'ai aussitôt pensé : "Jim Cameron ! Il voulait tourner SPIDER-MAN, mais le projet vient de tomber à l'eau." J'ai donc appelé Cameron : "Faisons ça ensemble, à ta manière : en grand." Nous nous sommes rapidement entendus avec la Fox.» Claude Zidi vend les droits du remake à la société de James Cameron pour un dollar symbolique, avec intéressement aux recettes.

Le réalisateur de TERMINATOR se met à l'écriture du scénario. Il reprend plusieurs scènes du récit original (co-écrit par Zidi, Simon Michael et Didier Kaminka) : le fils de l'agent (devenu une fille) qui fait les poches du collègue de son père, sa femme qui se fait abuser par un dragueur à la petite semaine, la discussion avec celui-ci dans une voiture d'occasion, l'interrogatoire de l'épouse devant un miroir sans tain... Mais une grande partie de l'histoire est réinventée. «Le premier et le dernier tiers de TRUE LIES sont complètement originaux. (...) Mon objectif consistait, non pas à copier LA TOTALE, mais à en restituer l'esprit.»

Cameron discute beaucoup avec Schwarzenegger de son personnage, de la façon dont il se comporte en famille et dans son travail ; de concert, ils établissent le rythme des dialogues. Mais Cameron bute sur la scène finale, lorsque l'agent Harry Tasker, aux commandes d'un avion de chasse, vient sauver sa fille perchée sur une grue. Il est prévu qu'il mitraille le terroriste qui fait une chute d'une centaine de mètres. La séquence manque de spectaculaire et il consulte en mars 1993 John Bruno, le responsable des effets visuels de ABYSS et TERMINATOR 2, qui l'a souvent tiré d'un mauvais pas scénaristique. «Pour moi, une chose était sûre : le héros ne pouvait pas abattre le méchant à distance, comme un simple tir au pigeon. C'était trop peu glorieux.» Bruno imagine alors que le méchant saute sur l'avion et que les deux hommes se battent au couteau dans le cockpit.

«J'ignore comment l'idée m'est venue, explique Bruno, mais je savais qu'au terme de la séquence, le méchant devait se retrouver, d'une façon ou d'une autre, accroché à un des missiles placés en bout d'aile ! Tasker lançait le missile – et son passager- vers un immeuble désaffecté et tout partait en fumée. Voilà qui offrait au méchant une fin à la hauteur de ses méfaits. Jim est allé encore plus loin en proposant que Tasker dirige le missile "humain" non pas vers une cible statique, mais vers un hélicoptère transportant les complices du terroriste! La boucle était bouclée. Jim se chargea d'ajouter cet hélicoptère à l'histoire.»

Cameron imagine une organisation d'espionnage, Omega, dirigée par un homme à poigne offrant une ressemblance physique (le bandeau sur l'œil) avec le personnage de comics Nick Fury et confie le rôle à Charlton Heston. «J'ai demandé à Cameron ce qu'il attendait de moi. "J'ai besoin de vous", m'a-t-il dit, "parce que vous pourrez intimider Arnold et que vous serez crédible."» Mais pour obtenir une certaine «vérité», le réalisateur contacte la CIA et le Secret Service, afin que ses acteurs puisse rencontrer d'authentiques agents secrets. Tom Arnold, qui reprend le rôle d'Eddy Mitchell, a pu ainsi construire son personnage d'espion divorcé. «Ceux que j'ai rencontrés ne possédaient qu'une chose dans l'existence : le travail. Logique donc que mon personnage n'ait pu rester marié, car il devait toujours mentir à sa femme sur sa véritable activité.»

Le corps des Marines accepte de louer à la production un avion de chasse Harrier AV-8B (pouvant décoller et atterrir à la verticale), qui n'a encore jamais été vu à l'écran. Mais les relations avec l'administration ne sont pas toutes aussi fructueuses. Bill Clinton vient alors d'être élu et Arnold Schwarzenegger a dû quitter ses fonctions au sein du Conseil du Président pour la forme physique et les sports où l'avait placé George Bush Sr. Autant dire qu'il n'est pas en odeur de sainteté auprès du nouveau gouvernement et le Ministre de l'Intérieur refuse d'autoriser le tournage d'une scène à cheval se déroulant dans le bassin situé au pied du monument à la mémoire d'Abraham Lincoln, à Washington...

La partie «cascade» de la scène à cheval se fait en studio. À la poursuite d'un terroriste, qui est passé à moto du sommet d'un hôtel à celui d'un immeuble, Harry Tasker espère faire de même avec son animal. «Le toit était en fait une estrade d'une trentaine de mètres de haut dans un studio, explique Schwarzenegger. L'équipe du film, craignant que le cheval ne s'arrête pas à temps, avait installé une plate-forme de sécurité, comme une sorte de passerelle d'embarquement. De cette façon, si le cheval faisait un pas ou deux de trop, nous ne tomberions pas. La plate-forme disparaîtrait au montage. (…) Soudain, l'une des caméras au bout d'une longue perche est tombée accidentellement sur la tête du cheval. Le choc n'a pas été terrible, mais suffisamment fort pour lui faire peur. Le cheval a essayé de reculer, mais ses sabots glissaient sur la passerelle. Je suis descendu du cheval aussi vite que j'ai pu mais il n'y avait pas de place : je me suis retrouvé sur la passerelle, à trente mètres de hauteur, sous le cheval.» Une chute avec l'animal serait fatale. Le chef-cascadeur Joel Kramer se précipite alors à son secours ; il saute sur la plate-forme, saisit les rênes du cheval, et le fait reculer doucement, afin que l'acteur puisse s'esquiver.

Le budget de TRUE LIES enfle au fur et à mesure des semaines et des dépassements. Le tournage prévu pour cinq mois avoisine maintenant les sept, et James Cameron se voit contraint de réduire les plans les plus coûteux, c'est à dire comportant des effets spéciaux, notamment ceux de l'affrontement final sur l'avion. John Bruno trouve une fois de plus la solution. «En analysant tous les détails du combat entre Tasker et Aziz, une idée a germé dans mon esprit. Pourquoi ne monterait-on pas l'aile du Harrier au sommet de la tour de Miami pour filmer les scènes avec Aziz sur l'aile ? On pourrait l'installer au bord de la terrasse et avoir un point de vue idéal sur la ville en contrebas. Personne ne pourrait deviner que l'aile se trouvait sur le toit d'un immeuble et non pas sur un avion en plein ciel.» L'idée enthousiasme Cameron et va lui permettre de se passer de soixante plans à effets spéciaux et même d'en rajouter...

Après une série de projections-test, James Cameron se décide à couper une scène entre Harry Tasker et sa fille. Au grand dam de Schwarzenegger qui la considère comme sa meilleure depuis le début de sa carrière. «Mais les spectateurs se désintéressaient complètement de cette relation père-fille...» Le film sort en juillet 1994 et rencontre un énorme succès, malgré des accusations de sexisme et de racisme. Une suite est prévue en 2002 mais les événements du 11 septembre ont relégué le projet aux calendes grecques.

Philippe Lombard

[Sources : «Ciné Live» n°48, «S.F.X.» n°16, «Impact» n°53, «In The Arena» de Charlton Heston (Harper Collins, 1995), «Total Recall» de Arnold Schwarzenegger (Presses de la Cité, 2012), «Ciné-Passion» de Simon Simsi (Dixit, 2012)]

Titre Original :
TRUE LIES

Année : 1994

Nationalité : Etats-Unis

Réalisé par :
James Cameron

Ecrit par :
James Cameron, Claude Zidi, Simon Michaël & Didier Kaminka

Musique de :
Brad Fiedel

Interprété par :
Arnold Schwarzenegger, Jamie Lee Curtis, Tom Arnold, Bill Paxton, Tia Carrere, Art Malik, Eliza Dushku, Grant Heslov & Charlton Heston


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