Mon nom est personne (1973)
Posté le 2016-09-19 10:15:35

En 1970, le western italien est modifié à jamais par l'énorme succès rencontré par On l'appelle Trinita d'Enzo Barboni, qui a pourtant eu du mal à se monter. «Beaucoup de producteurs ne voulaient pas faire ce film, se souvient Bud Spencer. "Un western comique ? Ça ne marchera jamais !" Cela ne semblait pas être dans l'air du temps.» Et pourtant, le film enthousiasme le public, sans doute un peu las des centaines de westerns violents produits depuis six ans. Pour le père du genre, Sergio Leone, c'est une autre histoire.

«Le jour où je vis le premier Trinita, je me suis mis à douter de ma santé mentale. Je pensais être devenu idiot. J'entendais le public hurler de rire. Je ne comprenais pas pourquoi il rigolait. Ce que je voyais me paraissait nul, mal foutu, vraiment mauvais. Je ne saisissais pas pourquoi un adulte pouvait s'amuser devant une telle connerie.» Cependant, une suite, On continue à l'appeler Trinita, voit le jour en 1971 avec un succès encore plus grand. Selon Tonino Valerii, «Sergio ne l'avait pas digéré. Je pense que la meilleure façon de répondre à ce succès était de faire un film dans lequel l'un de ses personnages, Henry Fonda en l'occurrence, se mesurerait à ce personnage clownesque.»

C'est ainsi qu'est lancé le projet de Mon nom est Personne, «la grande rencontre de la vérité et de l'idiotie». Face à face : Henry Fonda, le héros de La Poursuite infernale et de L'Homme aux colts d'or, et Terence Hill, l'interprète de Trinita et nouvelle star du cinéma italien. Leone, pris par le projet de Il était une fois en Amérique, décide de produire le film et non de le réaliser. Après avoir contacté vingt-deux scénaristes (!), il s'adresse à Ernesto Gastaldi, auteur de plusieurs westerns (Arizona Colt, Texas...), à qui il raconte la scène d'ouverture : trois cavaliers arrivent dans un village pour tuer un homme. Gastaldi brode sur la suite, ce qui convainc Leone de l'engager. Un jeune pistolero admirateur éperdu de Jack Beauregard, légende de l'Ouest, décide de lui concocter une fin digne de sa carrière : lui faire affronter la «Horde sauvage»...

Leone parle ensuite du projet à des cinéastes aussi divers que Sergio Corbucci ou... Pier Paolo Pasolini, mais c'est à Tonino Valerii qu'il confie le film. Assistant sur … Et pour quelques dollars de plus, il a réalisé en 1967 Le Dernier Jour de la colère avec Lee Van Cleef et Giuliano Gemma. «Mon idée était de raconter l'histoire d'un jeune qui refuse de grandir – c'est le syndrome de Peter Pan – comme un enfant jouant toujours à être Jack Beauregard. (…) Ça fait penser à un enfant qui collectionne des bandes dessinées. Chaque semaine, il veut connaître la suite des exploits de son héros préféré.»

Après quatre mois de repérages aux États-Unis, Valerii débute le tournage le 20 mai 1973 à Cabezon, au Nouveau-Mexique, pour la séquence d'ouverture où Henry Fonda échappe à un guet-apens chez le barbier. «On n'avait pas besoin de dire à Henry Fonda quoi que ce soit, se souvient le réalisateur. Il savait toujours ce qu'il avait à faire. Il n'a jamais raté une intonation, un mouvement. Il suffisait de lui dire : "Tu vas là, tu dis ça, tu fais ça." Tu le disais une fois et il le faisait à la perfection.» À Acoma se tourne la scène du cimetière (recréé pour l'occasion), où Personne cite plusieurs noms sur les pierres tombales, dont Sam Peckinpah. Ce qui peut ressembler à un hommage pensé à l'auteur de La Horde sauvage relève en réalité du hasard, comme s'en souvient Ernesto Gastaldi : «Je devais écrire une scène dans un cimetière apache, mais je ne connaissais pas de noms apaches. Va savoir pourquoi "Peckinpah" sonnait apache à mon oreille. Alors, je l'ai mis dans le scénario. J'ai dit à Sergio : "Quand vous serez là-bas, vous verrez de vrais Apaches qui vous donneront quelques noms."» Mais Sergio Leone a ri en lisant la scène et a décidé de garder le nom...

Les prises de vues durent dix semaines au Nouveau-Mexique ainsi qu'à la Nouvelle-Orléans, avant que l'équipe ne se rende en Espagne, près de Grenade. Mais les costumes d'Henry Fonda se perdent en route et il faut attendre que la Pan Am remette la main dessus ! Pendant dix jours, Tonino Valerii prétend être malade afin de tromper l'assurance mais un autre problème se pose : Henry Fonda a signé un contrat pour tourner un autre film, Les Noces de cendres de Larry Peerce, et doit quitter le plateau à une date précise. «Sergio m'a dit : "On a deux possibilités : on fait des coupes dans le scénario, ou on constitue une deuxième équipe pour quelques jours. Et si tu es d'accord, je la dirige." D'accord, faisons ça." Il m'a dit : "Choisis ce que tu veux faire et moi je fais le reste."» Comme Terence Hill meurt d'envie d'être dirigé par Leone, Valerii choisit de faire les scènes avec Fonda .

Sergio Leone tourne la «scène des baffes» dans le saloon, qui s'inspire très clairement de celle de On continue à l'appeler Trinita. L'acteur français Marc Mazza souffre à plus d'un titre. «J'avais une hernie discale et je pouvais à peine bouger. C'était l'enfer. Et pour corser le tout, Terence Hill m'a véritablement giflé au début. Oh putain, j'ai failli l'assassiner ! J'ai arrêté le tournage et j'ai tout de suite dit à Sergio : "Écoute, je veux bien être un acteur et prendre des claques. Mais lui ferait bien d'apprendre à les donner. Je ne continue pas comme ça ou alors ça risque de mal finir." Terence est donc allé s'entraîner et nous avons repris dès qu'il savait retenir ses coups. La scène a été tournée avec plusieurs grosses caméras et Sergio voulait couvrir un maximum d'angles. Nous avons mis du temps à la boucler.»

Leone tourne encore une partie des scènes de la foire (notamment les tartes à la crème) et en filme une qui n'est pas dans le scénario : les toilettes publiques de la gare où le chef du train met un temps fou à uriner, face à Personne. Par la suite, le cinéaste affirmera avoir réalisé «le début, la bataille et le duel final», ce qui fera beaucoup souffrir Tonino Valerii...

Philippe Lombard

[Sources : «Conversation avec Sergio Leone» de Noël Simsolo (éd. Cahiers du Cinéma, 1999), «Mad Movies» hors-série «L'Age d'or du cinéma de genre italien» (2003),«Nobody... is perfect» (Studio Canal, 2005), www.objectifcinema.com, http://monnomestpersonne1973.blogspot.fr]

Titre Original :
MIO NOME E NESSUNO, IL

Titre français :
MON NOM EST PERSONNE
Titre anglais :
MY NAME IS NOBODY / LONESOME GUN

Année : 1973

Nationalité : Italie / France / Allemagne

Réalisé par :
Tonino Valerii

Ecrit par :
Ernesto Gastaldi, Sergio Leone & Fulvio Morsella

Musique de :
Ennio Morricone

Interprété par :
Terence Hill, Henry Fonda, Leo Gordon, Jean Martin, Geoffrey Lewis, R.G. Armstrong, Piero Lulli, Neil Summers & Antoine Saint-John


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