Un éléphant, ça trompe énormément (1976)
Posté le 2016-10-26 12:41:54

Après avoir co-écrit Clérambard, Chère Louise et Salut l'artiste, le réalisateur Yves Robert et le scénariste Jean-Loup Dabadie se lancent en 1976 dans un «film d'hommes», mais, précise ce dernier, «qui ne soit pas à leur gloire. Le but était de faire rire de leurs mensonges, de leurs lâchetés, de leur vanité, de leurs faiblesses et même de cette amitié dans laquelle ils trouvent parfois salut ou réconfort.»

Les personnages se dessinent peu à peu et sont écrits en pensant à leurs interprètes. «Dabadie connaissait très bien les acteurs et il écrit à l'oreille, se souvient Guy Bedos. Il nous connaissait : Brasseur, Lanoux, Rochefort et moi bien entendu. Il a fait du sur-mesure.» C'est aussi le scénariste qui insiste pour que la femme de Rochefort soit incarnée par la propre épouse d'Yves Robert, Danièle Delorme. Laquelle, associée avec son mari dans la société productrice du film (la Guéville), refuse net avant de se laisser convaincre. Une autre connaissance de la famille Robert est engagée, le jeune Christophe Bourseiller, qui apparaissait à cinq ans dans La Guerre des boutons ; il joue le rôle de Lucien, cet adolescent amoureux d'une femme mariée, inspiré par un camarade de lycée des fils du cinéaste, qui ne doutait de rien.

L'écriture avance mais Yves Robert sent qu'il manque quelque chose. «Un beau jour, j'accompagne Jean-Loup au tennis. Pierre Bouteiller faisait équipe avec lui, face à Poirot-Delpech et, je crois bien, Gilles Jacob. J'assiste à leur match, des cris, des rires, des insultes, des tapes, des petites tricheries. Des gamins en culottes courtes. Au vestiaire, je vois les trois mecs à poil déconnant sous la douche, le quatrième, plus pudique, déjà enveloppé dans une serviette. Je dis à Jean-Loup : "Nos 'éléphants' sont amis parce qu'ils jouent au tennis, c'est ça qui les a réunis."» Le club de tennis en question, Le Fruit défendu à Rueil-Malmaison, sera utilisé dans le film.

D'autres éléments vécus ou entendus par les auteurs sont repris dans le scénario. Comme le canular consistant à se faire passer pour un aveugle hypernerveux cassant tout sur son passage dans une brasserie ; une plaisanterie souvent pratiquée par Yves Robert dans sa jeunesse à Saint-Germain-des-Prés, mais aussi par Claude Brasseur. Quant au point de départ du film, cet homme rangé qui voit l'apparition d'une femme dans un parking bouleverser sa vie, il s'inspire d'un épisode de la vie du réalisateur. À l'âge de dix-huit ans, il eut la surprise de tomber en vacances sur une jeune fille qui ressemblait trait pour trait à la femme idéale qu'il s'était inventée mais n'a jamais, lui, réussi à lui parler...

Le rôle en question est attribué à Anny Duperey. Son apparition en robe rouge dansant sur une bouche d'aération semble inspirée de Marilyn Monroe dans 7 ans de réflexion mais en réalité, rapporte l'actrice, l'idée est venue à Yves Robert pour l'avoir vu «danser comme une folle pour tenter de (se) réchauffer, après une scène de noyade dans l'eau glacée avec Pierre Richard, au cours du tournage des Malheurs d'Alfred» (produit par la Guéville). L'assistant-réalisateur Élie Chouraqui est chargé de trouver un parking avec une soufflerie venant du sol, ce qui, après moult recherches, s'avère ne pas exister ! Il faut donc fabriquer de toutes pièces un système, qui envoie dans les premières prises la grille au plafond...

Pour illustrer cette scène, le compositeur Vladimir Cosma imagine une musique intégrant des bruits de vagues et de cris de mouettes. Au mixage, Yves Robert les supprime, expliquant que «plusieurs personnes présentes trouvaient (…) que les vagues faisaient penser à une chasse d'eau qu'on tirait, puisqu'on ne voyait pas le mer !» Cosma se précipite aux studios de Boulogne-Billancourt et obtient de Robert que la mer et les oiseaux restent dans la musique pour la projection des premières bobines qui aurait lieu deux jours plus tard à la Gaumont. «Le jour J arriva , et dès que le premier effet musical se fit entendre, toute la salle éclata de rire... à la fin de la projection, mes vagues et mes mouettes étaient sauvées.»

Certains rôles sont des performances, même si elles ne sont pas spectaculaires. Marthe Villalonga joue ainsi la mère de Guy Bedos alors qu'elle n'a que deux ans de plus que lui ! Et le personnage d'homosexuel de Claude Brasseur est joué sans aucune exubérance (approche plutôt nouvelle à l'époque), «pour montrer qu'on pouvait être homosexuel et avoir l'apparence de Monsieur Tout-le-monde.» Le rôle lui vaudra le César du meilleur second rôle.

Yves Robert opte pour le principe de la voix off tout au long du film. Cette idée ne lui est pas venue au moment du montage mais bien pendant l'écriture avec Dabadie. «La voix off impliquait pour moi un découpage, des images démultipliées, un décalage ironique entre ce qu'on entend et ce qu'on voit.» Jean Rochefort enregistre son texte en amont afin de permettre à Robert de «filmer les séquences en play-back comme avec une musique de film. Cette voix sur le plateau inspirait la technique, le cadre et les comédiens dans un même tempo, c'était presque chorégraphique.»

Avec près de trois millions d'entrées, la joyeuse équipe remet le couvert l'année suivante avec Nous irons tous au paradis...

Philippe Lombard

[Sources : «Le Figaro» du 20 septembre 1976, «Schnock» n°10, «Merci !» de Claude Brasseur et Jeff Domenech (Flammarion, 2014), «Un homme de joie» de Yves Robert et Jérôme Tonnerre (Flammarion, 1996), «Les Copains d'abord» (La Guéville Vidéo, 2004), «Vladimir Cosma comme au cinéma» de Vincent Perrot (Hors Collection, 2009)]

Titre Original :
UN éLéPHANT çA TROMPE éNORMéMENT

Titre anglais :
PARDON MON AFFAIRE

Année : 1976

Nationalité : France

Réalisé par :
Yves Robert

Ecrit par :
Jean-Loup Dabadie, Yves Robert

Musique de :
Vladimir Cosma

Interprété par :
Jean Rochefort, Claude Brasseur, Guy Bedos, Victor Lanoux, Danièle Delorme, Anny Duperey, Marthe Villalonga, Louise Conte, Maurice Bénichou, Christophe Bourseiller


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