Casino Royale (1967)
Posté le 2008-05-22 17:36:48

«C'était un asile de fous. La plupart des gens ne semblaient pas avoir la moindre idée de ce qu'ils étaient en train de faire». Cette affirmation de Woody Allen est corroborée par quasiment tous ceux qui ont travaillé sur le(s) plateau(x) de «Casino Royale». «Chacun avait la part du scénario qui les concernait», se souvient David Niven, «mais personne ne savait ce que faisaient les autres ou quelles étaient les relations des personnages». En conséquence de quoi, la folie et le désordre qui règnent en coulisses se retrouvent forcément à l'écran. Film à sketches incompréhensible, superproduction opportuniste, rêve de producteur mégalomane, parodie débridée... On ne sait où ranger le film. La catégorie «James Bond» semble s'imposer, puisqu'il s'agit d'une adaptation officielle d'un roman de Ian Fleming, le premier en l'occurrence. Mais comme l'a écrit un critique de l'époque, «Charles K. Feldman et ses acolytes de la Columbia se sont mis en quête (...) d'une équipe de gagmen et de décorateurs susceptibles de leur donner non un James Bond n°6 mais une sorte de «What's new Pussy Bond ?» ou de «L'espion qui venait d'Helzapoppin»». Casino Royale a, en tout cas, sa place parmi les films incontournables des sixties, aux côtés de «Goldfinger», «Help !», «Danger Diabolik» et «La Party».

Le dernier nabab

Né en 1909, Charles K. Feldman est le fondateur d'une grande agence artistique d'Hollywood, Famous Artists. Pendant des années, il représente des stars telles que Clark Gable, Greta Garbo, Marlene Dietrich ou encore John Wayne. À la fin des années quarante, il est rejoint par Albert Broccoli, qui devient son ami. «J'aimais bien Charlie parce qu'il était franc et n'avait peur de personne. Figure remarquable (avec bronzage californien), il s'habillait avec style et avait l'esprit efficace d'un faiseur de deal. Ayant été avocat, il montait des contrats dont même les producteurs qu'il piégeait disaient que c'étaient des chefs d'œuvre. Il y avait rarement un grosse production dont les huiles ne comptaient pas un homme de Feldman ou avec une star à lui sur la liste des producteurs». Feldman se lance ensuite dans la production de films aussi célèbres que «Un tramway nommé désir» et «7 ans de réflexion». En 1961, il récupère au nez et à la barbe de Broccoli les droits cinématographiques de «Casino Royale» auprès de la veuve de son ancien client, le réalisateur Gregory Ratoff.

Pendant qu'il tente d'adapter le roman de Fleming, James Bond prend vie à l'écran sous les traits de Sean Connery. «Dr No», puis «Bons baisers de Russie» et «Goldfinger» rencontrent un gigantesque succès au niveau mondial. Et si les copies et les parodies pullulent (077, Coplan, Flint, Matt Helm, etc.), il semble difficile de produire un vrai James Bond concurrent. C'est d'ailleurs pour cela que Kevin McClory s'est associé à Albert Broccoli et Harry Saltzman pour «Opération Tonnerre» (dont il détenait les droits). Mais Feldman ne renonce pas à son idée et demande aux deux producteurs s'ils peuvent lui «prêter» Sean Connery pour un film… Peine perdue. «J'ai alors offert à Saltzman et Broccoli de racheter leurs droits. Je le voulais vraiment mais ils n'étaient d'accord de le faire que dans plusieurs années. Si bien que je me suis dit que Sean pourrait bien être mort d'ici là et j'ai décidé de me débrouiller». La nature du deal est en réalité tout autre : il leur propose de s'associer sur «Casino Royale», moyennant 75% des profits pour lui, et 25% pour eux et United Artists. «S'il avait été mon agent», écrit Cubby dans ses mémoires, «j'aurais jeté l'offre (et la personne l'ayant faite) par la fenêtre». Feldman se tourne alors vers la Columbia, qui approuve en juin 1965 un budget entre 4,5 et 5 millions de dollars pour un début de tournage prévu en août (à titre de comparaison, «Opération Tonnerre» a coûté 5.6 millions). Commence alors pour le nabab un gros travail de réflexion.

Une énorme-méga «superproduction»

«Ce film a été pour moi comme une espèce de cauchemar. Pensez donc : «Casino Royale» est le roman de Bond où l'on parle d'une voiture pleine de gadgets. Quand Bond poursuit les méchants, leur Citroën laisse tomber sur la route un tapis de clous. Ça vous rappelle quelque chose ? Je ne pouvais décemment utiliser ce truc-là. Les autres films de Bond l'avaient déjà employé. Dans «Casino Royale», il y a un duel classique au baccara entre Bond et Le Chiffre. Je ne pouvais pas l'employer non plus, parce que les autres films de Bond ont épuisé cette veine aussi. Et dans «Casino Royale», la fille, est agent double, mais elle est agent double dans d'autres Bond aussi. Que faire ? Je ne pouvais pas utiliser le roman tel quel sous peine d'avoir fait une mauvaise copie des autres Bond. La seule chose était de faire autre chose et c'est ce que j'ai tenté».

Feldman se tourne donc vers une vision parodique du personnage et de l'univers de Bond. Mais ce n'est pas tout : la production en elle-même semble être une parodie des superproductions de l'époque. «Nous avons pensé à plein de Bond, plein de metteurs en scène, plein de scénaristes et plein de plans, comme ce fut le cas avec «Le jour le plus long». C'était le seul moyen de réaliser ce film». Cinq réalisateurs sont donc engagés : Val Guest, Joseph McGrath, Robert Parrish, John Huston et Kenneth Hugues. Un nombre important de scénaristes se succèdent, parmi lesquels Wolf Mankowitz, John Law, Michael Sayers, Ben Hecht, Billy Wilder, Joe Heller, Terry Southern… Trois studios londoniens sont réquisitionnés : Pinewood, Shepperton et MGM. Fatalement, la production prend du retard et le tournage ne débute pas avant janvier 1966. «Pensez aux bâtisseurs des pyramides et vous pourrez imaginer comment est Charlie Feldman», commente alors Woody Allen...

Niven vs Sellers ?

Le rôle de James Bond est attribué à David Niven, dont le physique aristocratique permet de se démarquer de Sean Connery. De plus, Fleming (qui connaissait personnellement l'acteur) a souvent dit qu'il le verrait bien en 007 (malgré le fait qu'il ne ressemble en rien au personnage décrit dans les romans) ; il lui a d'ailleurs rendu hommage en 1963 dans un passage de «On ne vit que deux fois», où Kissy Suzuki appelle son cormoran-pêcheur «David» : «Je lui ai donné le prénom du seul homme que j'ai trouvé bien à Hollywood et c'était justement un Anglais. Il s'appelait David Niven. C'est un grand acteur et il produit aussi des films». Le «grand acteur» vient de tourner «Passeport pour l'oubli», un film d'espionnage mis en scène par l'un des réalisateurs de «Casino Royale», Val Guest, et écrit par l'un de ses scénaristes, Wolf Mankowitz. On retrouve d'ailleurs dans les deux films la même idée de départ : Niven est un ancien agent à la retraite que l'on remet en service pour une ultime mission...

Feldman avait à l'origine pensé à Peter Sellers pour le rôle de Bond, qu'il lui a proposé dès le printemps 1964. L'acteur comique avait déjà eu un temps l'idée d'incarner le personnage dans une parodie qu'il avait commencé à écrire avec Stanley Kubrick en 1961. Toujours est-il qu'il refuse tout d'abord l'offre du producteur. «J'ai couru à ses trousses pendant huit mois pour qu'il accepte de le jouer», explique Feldman. «Il ne voulait rien savoir. Il a changé d'avis vingt fois. En fait, il n'a accepté vraiment que trois semaines avant que nous ne devions commencer à tourner. C'est probablement le succès de «Quoi de neuf Pussycat ?» qui lui a donné confiance. C'était une partie de poker, vous savez, de l'utiliser alors. Le studio ne voulait pas courir le risque ; il n'avait plus travaillé depuis sa crise cardiaque et les compagnies d'assurances ne voulaient plus le couvrir ; mais j'ai insisté. Je l'ai pris sans assurance. S'il était arrivé quelque chose, je l'aurais pris sur moi». Sellers incarne en réalité un des faux James Bond du film, à savoir le joueur de cartes Evelyn Tremble. Mais il se prépare très sérieusement, affinant sa silhouette, musclant son corps et travaillant sa démarche (qu'il imagine) féline.

La théorie du chaos

Le reste du casting principal est à peu près bouclé : Orson Welles, Ursula Andress, Jacqueline Bisset, Woody Allen, Terence Cooper, Joanna Pettet, Dahlia Lavi… Mais rien n'est joué et tout peut changer du jour au lendemain, comme s'en souvient le responsable de la publicité John Willis : «Feldman appelait et disait : «J'ai William Holden pour deux jours la semaine prochaine» et il nous fallait tout changer, écrire de nouvelle scène pour insérer l'acteur. Le scénario était réécrit chaque jour. Qu'importe que certains rôles n'est aucun sens dramaturgique, il nous fallait utiliser les gens qui étaient en ville». La presse se fait l'écho de la possible présence de Capucine, Trevor Howard, Frank Sinatra, Sandra Miles, Peter Ustinov, Sophia Loren et même Nureyev. Deborah Kerr, qui rend visite à Pinewood au réalisateur John Huston (avec lequel elle a travaillé sur «Dieu seul le sait» et «La Nuit de l'iguane»), se retrouve titulaire d'un rôle, Lady Fiona, qui ne va cesser de prendre de l'importance en cours de tournage. Huston lui-même n'interprète «M» qu'après la défection de Robert Morley (et la promesse de Feldman de lui offrir un buste en bronze grec).

Graham Stark, un ami proche de Sellers (qui joue le caissier du casino demandeur d'autographe), arrive un jour aux studios de Shepperton : «Je me suis rendu compte que les rumeurs affirmant que le film était désorganisé était fausse : dire que c'était un gros bordel aurait été plus juste. Les fous avaient pris le contrôle de l'asile». L'anarchie totale qui règne sur les différents et coûteux plateaux est difficilement dissimulable aux médias. Mais Feldman en fait un argument de vente, clamant haut et fort qu'il dirige un «cirque». La trame de l'histoire (si tant qu'il y en est une) est révélée, ainsi que la présence de plusieurs James Bond. Le fond est donc en accord avec la forme. Un journaliste de «Time Magazine» se rend sur le front et constate les dégâts : «Ce qui s'y passe exactement est un secret d'état. Les plateaux sont en général fermés ; les stars ont l'interdiction de parler de leur rôle et seuls les pages du scénario où elles apparaissent leur sont données. Feldman explique que ces mesures de sécurité sont nécessaires pour protéger les idées folles des pirates de la télévision et du cinéma de comédie de petite qualité. Une autre explication serait que personne ne parle car personne ne sait quoi dire : le scénario change à chaque seconde».

«Une expérience de tournage catastrophique»

Bien qu'auréolé du succès de «Quoi de neuf Pussycat ?» (qu'il a écrit et interprété pour Feldman l'année passée), le jeune Woody Allen, alias Jimmy Bond, n'a pas une grande expérience du cinéma. Il comprend cependant assez vite que «Casino Royale» est l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire. Malgré la petitesse de son rôle, la confusion ambiante ne permet pas de programmer les scènes qu'il doit tourner sous la direction de Val Guest. «Je suis resté à Londres à leurs frais pendant six mois. Ce n'est qu'un exemple du gâchis d'argent général. J'ai écrit une pièce, «Don't drink the water». J'ai été dans des soirées, joué au cartes, au casino. J'ai profité de Londres. Et puis finalement, au bout de six mois, ils m'ont appelé pour tourner pendant vraiment peu de temps. Et je suis rentré chez moi ! J'ai pensé que c'était une entreprise débile, que tout ce qui la concernait n'était que stupidité et perte de celluloïd et d'argent. Ce fut une expérience de tournage catastrophique». Allen gardera quand même son sens de l'humour en racontant à sa manière le tournage du film au magazine Playboy et notamment la façon dont il a été engagé. «On a discuté gros sous pendant quelques jours, jusqu'à ce que je lui demande s'il y allait avoir des filles dans ce film. Il a commencé à me faire la liste, et trois heures plus tard, je l'ai interrompu et ai accepté son offre initiale pour un salaire de trois dollars. Armé d'aphrodisiaques assorti et de ma belle gueule, je me suis vite embarqué pour Londres».

Trois studios sinon rien !

Le jeune John Richardson, qui travaillera sur les effets spéciaux et visuels de nombreux «James Bond», fait ses débuts sur le film. «Je me souviens d'avoir eu du mal, après le réveil, à me rappeler dans quel studio il fallait me rendre…». Feldman a vu grand et en triple ! Les studios de Shepperton accueillent principalement les séquences du casino où s'affrontent Evelyn Tremble et Le Chiffre, mais le décor sera intégralement reconstruit aux studios MGM de Borehamwood pour la délirante scène de bagarre finale ! De même, les plans d'Orson Welles entendant la sentence de son supérieur après sa défaite sont tournés à Shepperton, tandis que ceux de ses assassins sortant de l'écran sont réalisés à MGM… À Pinewood, on reconstitue les intérieurs du château écossais, le mur de Berlin et le bureau de Bond. Les jardins où Sir James cultive ses roses sont en fait ceux des studios, l'endroit même où a été tourné le prégénérique de «Bons baisers de Russie», quatre ans plus tôt. Le petit pont sur lequel montent 007 et les différents chefs des services secrets est celui sur lequel passent Sean Connery et Robert Shaw en pleine nuit…

À ce stade, on ne s'étonnera pas de la désinvolture avec laquelle est géré le budget des décors. On dessine, on construit, on détruit et on reconstruit, sans jamais prendre soin d'en parler aux réalisateurs concernés. En plein tournage, Ken Hugues réalise qu'il est bien chez les fous. «Je voulais un simple fond peint pour suggérer le temple où Joanna Pettet faisait sa danse entouré de moines swinguants. Je me suis aperçu que les décorateurs avait construit, dans mon dos, une sorte de ‘Taj Mahal' qui avait coûté $30,000». Ses collègues se retrouvent eux aussi devant le fait accompli, comme le rapporte un reporter du «New York Times» : «Quand Bob Parrish a succédé à McGrath, il est tombé sur un énorme décor blanc cylindrique vide dont il ne savait que faire, à l'aune du scénario. ‘Je ne savais pas quoi en faire, et pendant quelques jours j'espérais qu'il serait démonté', dit Parrish. ‘Puis Peter est arrivé avec sa séquence onirique et ces fichus joueurs de cornemuse'». L'improvisation est donc de mise et la pression est constante. Feldman n'offre pas à ses enfants des trains électriques mais des locomotives grandeur nature, et sans le mode d'emploi !

Un face-à-face tendu

Ce qui était le morceau de bravoure du livre de Fleming s'avère être non pas celui du scénario mais bien celui du tournage. La partie de baccara entre Bond/Tremble et Le Chiffre tourne à l'affrontement entre Peter Sellers et Orson Welles. La légende veut que les deux acteurs n'aient tourné aucun plan ensemble, le premier refusant de donner la réplique au second. La vision du film donne tort à cette version (à 1h37, notamment, Sellers et Welles sont dans le même cadre) et, en réalité, c'est un peu plus compliqué que cela. Sellers, qui a subi deux ans plus tôt un infarctus très grave, devient de plus en plus difficile sur les plateaux. Angoissé, superstitieux et hypocondriaque, il a beaucoup de mal à faire face aux pressions et l'ambiance de tournage s'en ressent. Joseph McGrath commence à tourner les premiers plans de la partie de baccara mais l'antipathie de l'acteur britannique pour l'auteur de «Citizen Kane» provoque de nombreux problèmes. «Welles, selon Peter, avait une sorte d'aura maléfique», raconte Graham Stark. «Joe McGrath, le réalisateur, faisait courageusement face, mais à l'évidence il ressentait la pression. La seule personne sereine semblait être Welles lui-même».

Ne pouvant intervenir contre son partenaire, Sellers fait remplacer le réalisateur par l'américain Robert Parrish. «Après quelques jours de tournage j'ai découvert que Welles était à son meilleur niveau le matin. Après le déjeuner, il était fatigué ou endormi ou paresseux ou peu motivé. Quand Sellers s'en est aperçu, il a demandé à son agent d'appeler Charlie Feldman, et de lui dire que Sellers aurait à faire toutes ses scènes avec Orson tard dans l'après-midi ou lui, Sellers, oublierait probablement ses répliques. ‘Sa mémoire n'est pas très bonne le matin' avait dit l'agent». Feldman refuse de se laisser impressionner et exige la présence de Sellers le lendemain matin à 9h. Welles est ponctuel et enchante l'équipe par ses nombreuses anecdotes. À 11h, son partenaire finit par arriver, en jeans et sweat-shirt, sans être rasé. «Welles l'a aperçu et a dit d'une voix impérieuse, ‘Bienvenu, M. Sellers ! Comme c'est aimable de vous joindre à nous !' Il s'est tourné vers le chef électro et lui a dit, ‘Eddie, s'il vous plait, pleins feux sur M. Sellers !' Le spot était sur Peter et Orson a commencé à applaudir. ‘Une ovation pour M. Sellers !' a-t-il dit. Tout le plateau a applaudi avec force. Peter est resté, éberlué, dans la lumière vive pendant quelques secondes. Puis il a tourné les talons et a disparu par la porte de derrière». À partir de ce jour, Sellers refusera de donner la réplique ou de parler hors caméra à Welles…

Rixe au casino

Tout ce grand n'importe quoi se conclue en apothéose aux studios MGM en juillet avec la grande bagarre finale au casino. Deux mois de tournage pour 12 minutes de film qui, après montage, ne font plus que 4 minutes 30 (à cette période, la Lloyd's de Londres a suspendu l'assurance de tournage). Des cow-boys à cheval, des Indiens en parachutes, des otaries, du gaz hilarant, des coups de poings, du feu… On est en plein délire, mais comment «Casino Royale» pouvait-il se terminer autrement ? Au milieu de tout cela, David Niven reste digne et a même droit à quelques répliques avec William Holden et Ursula Andress. Le grand George Raft fait une apparition en lançant une pièce de monnaie, comme dans «Scarface» (un gimmick qu'il parodia également dans «Certains l'aiment chaud» et «Du rififi à Paname»).

Affublé de la moustache qu'il portera dans «Le Voleur» de Louis Malle (dont le tournage va commencer début août), Jean-Paul Belmondo joue lui aussi les guests : il est un légionnaire bagarreur répétant «Merde !» à tout bout de champ. On a souvent dit qu'il avait obtenu le rôle en accompagnant Ursula Andress (sa compagne depuis «Les Tribulations d'un Chinois en Chine») sur le plateau. Or, il n'en est rien. «J'étais très ami avec Feldman et j'allais souvent en vacances chez lui. Un jour qu'il préparait «Casino Royale», nous avons mangé ensemble, lui, Ursula Andress et moi. Au cours du repas, Feldman m'a dit : «Il y a un personnage marrant de légionnaire pris dans une bagarre à la fin du film. Tu devrais le jouer !». J'ai trouvé le clin d'œil amusant et je l'ai joué en copain». À la sortie du film, la star française sera extrêmement surprise en découvrant son nom en énorme au générique. «Comme j'étais copain avec Feldman, je ne lui ai pas fait de procès d'autant qu'il m'a assuré qu'il enlèverait mon nom du générique, ce qu'il n'a pas fait. Les spectateurs en voyant ce film doivent se dire que mon anglais était tellement mauvais qu'on a coupé toutes mes scènes».

1967 marque la première «guerre des Bond» : «Casino Royale» (en avril) contre On ne vit que deux fois (en juin). 007 est donc omniprésent dans les médias mais sa carrière semble tirer à sa fin. L'heure de la retraite a sonné : il est retiré des affaires sous les traits de David Niven et Sean Connery a annoncé haut et fort qu'il arrêtait. De plus, la confusion est totale parmi le public entre les deux films. «Feldman, qui était un publicitaire merveilleux», se souvient Albert Broccoli, «avait arrangée une large couverture médiatique pour le film. Inévitablement, certains pensèrent que c'est nous qui l'avions fait, ce qui ne nous fit pas du bien du tout». Mais «On ne vit que deux fois», s'il marche moins bien que «Opération Tonnerre», est tout de même un triomphe et bat «Casino Royale» au box-office. Le film de Feldman, s'il déçoit la critique et les fans de Bond, parvient à rapporter des millions de dollars à la Columbia. 007 n'est donc pas si moribond et sa meilleure aventure («Au service secret de sa majesté») est à venir. Charles Feldman, lui, aura produit sa dernière extravagance. Epuisé, il disparaît en mai 1968.

Philippe Lombard

[Article écrit pour le numéro spécial «Casino Royale» de «Archives 007», la revue du Club James Bond France en 2007]

[Sources : «Ciné-Revue» n°16, «Time Magazine» du 6 mai 1966, «The New York Times» du 22 mai 1966, «007 Magazine» n°40, «Woody» de G. Bendazzi (Liara Levi, 1987), «Hollywood doesn’t live here anymore» de Robert Parrish (Little, Brown and Company, 1988), «Remembering Peter Sellers» de Graham Stark (Robson Books, 1990), «Belmondo» de Philippe Durant (Robert Laffont, 1993), «When the Snow Melts» de Cubby Broccoli et Donald Zec (Boxtree, Londres, 1998), «The Pinewood Story» de Gareth Owen (Reynolds & Hearn Ltd, 2006)]


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