Intéressé par la vague des "space
operas" lancée par La Guerre des Etoiles
mais désirant y apporter un point de vue réaliste, Peter
Hyams (Capricorn One) écrit le
scénario de Outland qu'il choisit de situer sur Io, une lune de
Jupiter. "À l'époque, les premières photos de Jupiter
venaient d'arriver au Jet Propulsion Laboratory (le centre de recherche situé
à Pasadena en Californie où étaient transmis les clichés
pris par les missions Voyager I et II), et je les trouvais absolument stupéfiantes.
J'étais impressionné par la taille et la violence de Jupiter.
Cette planète est d'une réelle beauté, à l'instar
d'un volcan : resplendissante d'une majesté redoutable et effrayante.
(â¦) Je désirais faire un film traitant de ce que je crois être
vraiment l'avenir, un film d'où le spectateur penserait à la fin
avoir vu quelque chose de plausible, tant dans le fond que dans la forme."
La structure du film est ouvertement inspirée du western de Fred Zinnemann avec Gary Cooper,
Le Train sifflera trois fois : un shérif
intègre, dont la femme veut quitter la ville, se retrouve seul quand
trois hommes sont chargés de le tuer. Cette influence sera utilisée
comme un outil de promotion lors de la sortie du film, au grand déplaisir
de Fred Zinnemann : "J'ai vu Outland
et observé, évidemment, des similitudes sur des incidents puis
séparément. Mais les deux films sont totalement différents
dans leur conception et dans leur compréhension."
Peter Hyams imagine un complexe minier
dans lequel sont entassés un nombre impressionnant de travailleurs. "Avec
(le directeur artistique) Peter Harrisson, nous avons commencé à
expérimenter nos idées et nous n'avions qu'un seul critère
en tête : comment faire tenir le maximum de gens dans un minimum
d'espace ?" Ce sont en fait ces décors et l'idée
de cette nouvelle ville frontalière qui séduisent Sean
Connery, peu attiré a priori par les films de science-fiction.
Comme il le fait souvent, il travaille sur le scénario et apporte ses
idées.
"Peter est venu chez moi, en Espagne, pour nous permettre de retravailler
le script et notamment d'ajouter plus de doute et d'émotion dans les
dialogues du personnage principal qui semblait trop sûr de lui. J'ai fait
remarquer à Peter que s'il était aussi dur, perspicace et dissimulateur,
il dirigerait la station spatiale au lieu d'être un simple policier !
Nous avons donc ajouté de l'humour, afin de mieux révéler
les sentiments et l'état d'esprit des gens."
La star persuade le réalisateur de faire Outland aux studios
Pinewood plutôt qu'à Hollywood, "en partie parce que les
moyens techniques y étaient supérieurs" (L'espion
qui m'aimait et les deux premiers Superman
y ont récemment été tournés). Mais un problème
se pose : les nouvelles lois fiscales ne lui permettent pas de travailler
plus de 90 jours sur le territoire britannique (au risque d'être taxé).
Or, les visites effectuées dans des écoles écossaises devant
les caméras de la BBC ont considérablement entamé son capital
et ses scènes devront être tournées en 19 jours. Ce qui
implique qu'il doit quitter l'Angleterre chaque week-end et qu'aucun retard
n'est envisageable.
Martin Bower et Bill Pearson, qui ont travaillé ensemble
sur Alien et Flash Gordon,
construisent une maquette de six mètres du complexe minier Con-Am 27,
en prenant comme modèle une plate-forme pétrolière, à
la demande de Peter Hyams. John Stears (Opération
Tonnerre, La Guerre des Etoiles)
s'occupe des parties mécanisées, comme les monte-charges ou les
antennes-radar pivotantes. La scène la plus difficile est l'affrontement
final entre Sean Connery et ses adversaires. "Pour
le plan où ils escaladent la superstructure externe de ce monstrueux
complexe de raffinage, explique Peter Hyams, il nous
fallait soit dépenser 115 millions de dollars pour bâtir quelque
chose de si important qui ne pourrait même pas tenir dans l'Astrodrome,
soit trouver la technique de prise de vue qui nous permettrait de réaliser
ce que nous désirions." La production fait appel à l'Introvision,
un nouveau système de projection frontale mis au point par Tom Naud,
qui crée des décors à partir de diapositives en leur donnant
une impression de relief.
"Il y avait une prise de vue où Sean
Connery monte à une échelle à l'extérieur
de la serre, qui était supposé être une construction énormément
haute, explique le responsable des effets visuels Bill Mesa. Quand le plan démarre,
Sean est en dehors du champ. On commence à la base de l'étage
supérieur de la serre, puis on panoramique vers le haut de plus en plus
jusqu'à ce qu'on l'aperçoive grimper presque au sommet⦠Toute
la séquence a été tournée à partir d'une
transparence en 10 x 12.5 et Sean se trouvait en fait à un mètre
cinquante du sol." Mais pour le plan où le shérif saute
du haut d'une plate-forme, l'Introvision ne suffit pas à créer
l'impression de hauteur voulue et⦠un nain est utilisé pour doubler Sean
Connery !
Le tournage est bouclé juste à temps pour que l'acteur écossais
puisse échapper aux taxes britanniques. Sean Connery
participera activement à la promotion du film, alors qu'il tourne en
Suisse Cinq jours ce printemps-là de⦠Fred
Zinnemann !
Philippe Lombard