Le cheveu rebelle de Faye Dunaway
Posté le 2010-01-22 13:28:13

Sur le tournage de Chinatown, Roman Polanski tourne une scène relativement simple avec Jack Nicholson et Faye Dunaway. Enfin, sur le papier…

"La caméra était placée au-dessus de l'épaule de Faye et l'un de ses cheveux accrochait la lumière. C'était le genre de situation épouvantable où, si l'on ne faisait rien, toute l'attention du public serait mobilisée par un cheveu illuminé.

"Coupez !" ordonnai-je avant de convoquer la coiffeuse de la comédienne.

Dans un silence total, les projecteurs restant allumés, elle fit de son mieux pour aplatir le cheveu rebelle. Il ne cessait de rebiquer. Aucune quantité de laque ne semblait suffisante à le mater. Faye, qui était la seule personne du plateau à ne pas pouvoir constater de ses yeux ce qui n'allait pas, ne parvenait pas à comprendre le pourquoi de toute cette histoire. En désespoir de cause, pensant qu'elle ne s'en rendrait même pas compte, je saisis le cheveu et l'arrachai.

(L'assistant-ralisateur) Howard Koch hurla : "Pause-déjeuner tout le monde !" pour tenter de désamorcer une situation explosive. Mais ça ne prit pas. Faye, qui est capable de jurer comme un camionneur, se mit dans une véritable rage.

"Non mais c'est pas vrai ! hurla-t-elle. Cet enculé m'arrache les cheveux maintenant !"

Elle nous cassa les oreilles de ses hurlements hystériques et obscènes qui n'en étaient pourtant qu'à leurs débuts. Après le déjeuner, elle fit savoir qu'elle ne comptait pas revenir sur le plateau."

Une réunion de crise a lieu avec le producteur Robert Evans. Ce dernier rappelle à Polanski qu'il l'avait prévenu du caractère difficile de l'actrice avant de l'engager. "J'ai eu tort et je le reconnais, dis-je, mais ça n'empêche que c'est une dingue et une emmerdeuse. Du coup, Faye, au paroxysme de la fureur, déversa un tel flot d'injures épouvantables que ni Evans ni Fields (l'agent de l'actrice) ne savaient plus où se mettre. J'en fus ravi. Vous voyez comment elle est, leur signifiai-je par gestes derrière son dos avec un sourire désabusé. Très diplomate, Fields arrangea le coup par un long discours apaisant sur le thème : il faut que le spectacle continue. Faye avait craché son venin. Ce psychodrame lui avait fait du bien et, de toute manière, elle avait épuisé son vocabulaire. Nous reprîmes le plan par-dessus l'épaule comme si rien ne s'était passé."

Philippe Lombard

[Sources : "Roman" de Roman Polanski (Robert Laffont, 1984)]

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