En 1982, après une succession de films avec Bud
Spencer, Terence Hill cherche un sujet de comédie
avec un peu de profondeur. Son épouse, Lori Hill
(rencontrée sur le tournage de Dieu pardonne, moi pas
où elle lui servait de coach pour le dialogue anglais) tombe sur la série
de romans de Don Camillo écrits par Giovanni
Guareschi et déjà immortalisés à l'écran
par Fernandel. Il les lit à son tour et y voit
matière à un film intéressant. "Ces livres ont
d'abord le mérite rare de parler de l'Italie correctement â de façon
optimiste et non cynique. (â¦) J'ai simplement essayé de faire mon Don
Camillo honnêtement, aussi bien que possible, en restant fidèle
aux livres. J'ai simplement atténué l'importance des querelles
politiques, et j'ai gardé de préférence les épisodes
qui pourraient mieux toucher un public contemporain. L'opposition entre l'Eglise
et le Parti Communiste existe toujours aujourd'hui, mais elle n'a plus la violence
qu'elle pouvait avoir dans les années cinquante. Les oppositions, c'est
dans le football ou dans le loto qu'on continue à les trouver dans la
période présente."
Mais malgré son statut, Terence Hill peine
à trouver des financements. Personne ne croit au potentiel commercial
d'un Don Camillo contemporain, alors que tout le monde se battrait pour
produire un nouveau "Hill-Spencer". Et justement, l'acteur, même
s'il y a songé, ne veut pas engager son ami pour jouer le rôle
de Peppone. "Le public se serait attendu à un film semblable
aux précédents, et comme ce n'était pas le cas, il aurait
été déçu."
Il doit alors se transformer en producteur et crée la compagnie Paloma
Films. Il devient également réalisateur, un pas qu'il se décide
à franchir, dix ans après une proposition de Sergio
Leone ("J'avais beaucoup trop peur pour accepter"). Don
Camillo sera dédié à Giuseppe
Colizzi, qui l'a dirigé dans quatre films, dont Dieu
pardonne, moi pas, qui marqua sa rencontre avec Bud
Spencer.
Seul maître à bord, il est donc libre de choisir
ses partenaires et s'oriente vers un casting anglo-saxon afin de donner une
dimension internationale au film. Après huit mois de recherches, il donne
le rôle de Peppone, le maire communiste, à l'irlandais Colin
Blakely (La Vie privée de Sherlock Holmes,
Les Chiens de guerreâ¦) et engage Mimsy
Farmer (Quatre mouches de velours gris, Deux
Hommes dans la villeâ¦) et Cyril Cusak (Fahrenheit
451).
Un rôle est également très important : la voix de
Jésus. "Le dialogue de l'homme avec Dieu est une chose passionnante.
À travers les personnages imaginés par Guareschi
, ce sont deux conceptions morales qui s'affrontent. Don Camillo veut faire
le bien à la manière humaine ; c'est un pragmatique, face
à Dieu qui cherche à élever le débat de façon
plus métaphysique. Camillo veut l'efficacité. D'une certaine façon,
il tente d'être plus fort que Dieu." Il attribue le "personnage"
à Allan Arbus, dont on se souvient de la prestation
en ignoble caïd dans Coffy la panthère noire de Harlem face
à Pam Grier!
Terence Hill, de son vrai nom Mario Girotti, est
donc le seul acteur italien parmi les rôles principaux et le deuxième
à incarner Don Camillo, après Gastone
Moschine dans Don Camillo et les contestataires (réalisé
en 1972 par Mario Camerini après les graves
problèmes de santé de Fernandel).
Le décorateur Mario Garbuglia découvre le village
de Pomponesco, près de Mantoue sur le Pô (les films avec Fernandel
avaient été réalisés à Brescello) et le tournage
s'y déroule à partir d'avril 1983. L'intérieur de l'église
est en revanche complètement reconstitué en studio, à Cinecittà.
C'est là que Terence Hill tourne les scènes
en roller, une idée qui n'est bien sûr pas dans les romans originaux.
Ne sachant pas patiner, il prend des cours pendant un mois auprès de
Lorenza Residori, entraîneuse de l'équipe de Pomponesco. Sur le
plateau, il casse un banc en arrivant trop fort dessus, puis tombe sur la tête,
tandis que la jeune patineuse se foule la cheville. Pour les scènes d'affrontement
au football (aussi féroces que les matches de hockey de La Castagne
de George Roy Hill), Terence
Hill fait appel à un "coach", l'ex-footballeur professionnel
Roberto Boninsegna (attaquant de l'Inter Milan puis de la Juventus)
En 1994, Hill se rendra à Marseille à
une première de Petit Papa Baston à laquelle
assiste Franck Fernandel, venu accompagner son
fils Vincent. "Lorsqu'on a dit à Terence
Hill que le fils de Fernandel était présent,
raconte ce dernier, il se jeta sur mon père, un grand sourire aux lèvres,
et murmura timidement : "Franco, Scusate mi !" (Franck,
excusez-moi)"â¦
Philippe Lombard