Après le triomphe de Rocky II, Sylvester
Stallone accepte le scénario de Attack, écrit par
David Shaber (l'auteur des Guerriers
de la nuit de Walther Hill). Il doit
incarner son premier rôle de policier, le détective Deke DaSilva
de la police de New York, qui affronte un terroriste (très inspiré
de Carlos). "Le film était au départ une analyse psychologique
profonde du terrorisme international, explique l'acteur, avec le portrait détaillé
d'une relation conjugale et d'une relation amicale qui s'opposent dans la vie
d'un policier, dans la mesure où le temps qu'il passe avec son coéquipier
finit par être plus important que sa vie conjugale⦠Le studio en a fait
un thriller de série B, violent sans rime ni raison !"
Avant que ses relations avec la production ne se détériorent,
Stallone prend très à cÅur son
rôle et décide de suivre les patrouilles nocturnes de la "Street
Crime Unit", une section de la police de New York (créée
en 1971) spécialisée dans le flagrant délit d'agression
et de vol, et qui n'hésite pas à se déguiser pour tromper
et attirer les voyous. Le producteur Martin Poll et le comédien Billy Dee Williams l'accompagnent. "Nous avons
du signer des décharges auprès de la Police et de la ville, qui
assuraient ces dernières que nous ne les traînerions pas en justice
si nous nous faisions tirer dessus ou tuer", raconte Poll. Les trois
hommes restent dans les voitures de renfort et assistent à des arrestations.
Ils sympathisent avec les policiers qui, comme ceux du film, sont la plupart
divorcés et constamment confrontés au danger. Pendant le tournage,
ils apprendront que l'un de ceux qu'ils ont côtoyé a été
égorgé ; sauvé par les médecins des urgences,
il sera finalement abattu huit semaines plus tard. La production engage comme
conseiller technique Russel L. Bintliff, auteur de plusieurs ouvrages de référence,
comme le "Manuel d'entraînement à destination des forces de
l'ordre".
SylvesterStallone décide
de changer de look ; il perd 17 kilos, se fait pousser la barbe et porte
des lunettes teintées. "Pour "rendre" le personnage
de DaSilva parfaitement, j'ai dû travailler ma démarche et mon
allure générale. Il s'agit d'un ancien militaire. Même son
langage est particulier. Quand il est dans les rues, c'est un homme différent
de celui qui parle en société." Billy
Dee Williams réfléchit lui aussi à son personnage
de flic, partenaire de DaSilva, surtout qu'il est au départ peu enthousiasmé
par le rôle, faire-valoir de celui de Stallone.
"Je me suis dit "OK, on ne voit pas sa mère, sa sÅur ou
sa petite amie, mais pourquoi fait-il ce boulot ?" C'est un engagé
volontaire, il fait ça pour lui. J'ai imaginé que ce gars avait
fait le Vietnam et qu'il aimait l'excitation du combat. Il aime se retrouver
en pleine action. Il y a aussi en lui du bon samaritain, il aime à penser
qu'il protège la société."
Pour le rôle du terroriste Wulfgar, Martin Poll recherche un acteur européen,
capable de tenir la dragée haute à Stallone.
Son fils insiste pour qu'il voit Rutger Hauer dans
Le Choix du destin de Paul Verhoeven. Convaincu,
il fait venir le Néerlandais en Californie. "À la minute
où nous l'avons vu, Sly et moi nous sommes regardés et avons opiné
du chef. Nous savions." Le rôle de la compagne de Wulfgar est
confiée au top-model indien Persis Khambatta,
que Poll a découvert au festival de Cannes et qui vient de connaître
le succès dans le rôle du lieutenant Ilia dans Star
Trek - le film de Robert Wise, où elle
s'était rasé le crâne.
Désormais intitulé Hawks, le film débute
dans les rues de New York en février 1980, sous la direction de Gary
Nelson (Le Trou noir et, plus tard, Alan
Quatermain et la cité de l'or perdu). "Dès le deuxième
jour de tournage, se souvient Stallone, Nelson
a pris son microphone et a demandé aux membres de l'équipe
si quelqu'un avait la moindre idée de réalisation à lui
proposer. Inutile de préciser qu'il a été remplacé
sur le champ." Les journaux de l'époque, quant à eux,
parlent de désaccord entre les deux hommes à propos de la barbe
du personnage (!) et de tensions dues à la femme de Nelson,
se plaignant que la caravane de Billy Dee Williams
est plus grande que celle de son mariâ¦
Stallone suggère de donner sa chance
à un de ses amis, Bruce Malmuth, qui n'a jusque-là
réalisé qu'un sketch du film Foreplay en 1975. Le temps
qu'il arrive sur place, cependant, l'équipe va se retrouver sans réalisateur
le temps d'une journée. Pour ne pas perdre de temps et (surtout) d'argent,
il est convenu que la star passe derrière la caméra pour réaliser
une partie de la scène de la poursuite dans le métro (Stallone
a déjà à son actif La Taverne de l'enfer et Rocky
II). Mais la Directors Guild of America veille. Un acteur ne peut remplacer
un réalisateur que si ce dernier n'est pas parvenu à atteindre
le lieu du tournage, dans un endroit "exotique" par exemple. La DGA
finit par accepter la solution proposée en échange de 50.000 dollarsâ¦
Le tournage se déroule dans le Bronx, le Queens et Brooklyn,
mais le seul vrai problème est d'obtenir les autorisations d'utiliser
le téléphérique reliant Manhattan à la Roosevelt
Island. Wulfgar y prend en otages des représentants des Nations Unies.
Les habitants ne veulent pas voir leur ligne perturbée par un film qui,
de plus, pourrait donner des idées à d'autres productions (bien
plus tard, Sam Raimifera s'y dérouler le final
de Spider-Man). La venue de Stallone
en personne⦠ne change rien, il est même hué par la foule. L'affaire
se dénoue en justice au profit de Martin Poll, qui décide d'aplanir
les angles en versant 20.000 dollars au centre pour la jeunesse de l'île.
Sur ce téléphérique, justement, Stallone
va réaliser ce qu'il considère comme la cascade la plus dangereuse
de sa carrière. Accroché à un câble, il est hissé
jusqu'à la cabine, au-dessus du vide. "Rien n'avait été
testé et on m'avait demandé de prendre dans ma main gauche un
couteau Gerber pliant, car au cas où le câble lâcherait et
que j'aurais survécu à une chute de 70 mètres dans l'East
River qui m'aurait entraîné dans les courants glacés à
12 km/h, j'aurais pu me libérer de mon harnais. C'était tellement
stupide de croire que j'aurais pu survivre à une telle chute. Donc, je
pensais que la chose la plus intelligente à faire était de se
faire hara-kiri pendant la descenteâ¦" Tout se déroule finalement
comme prévu.
La collaboration avec Bruce Malmuth
ne se passe pas très bien et les deux amis ne se parleront plus après
le tournage. La première version du montage enchante Stallone,
ce qui n'est pas le cas de la production. "On nous a demandé
de couper plusieurs séquences importantes. À l'origine, la scène
finale du film était très intense et rivalisait en termes de violence
avec celle de Taxi Driver." Rutger
Hauer et Lindsay Wagner (l'ex-femme de DaSilva)
souffrent également du remontage et personne n'a vraiment envie de promouvoir
le film, définitivement intitulé Nighthawks, à l'exception
de Billy Dee Williams qui s'exprime dans les
médias. Stallone convainc Poll d'incorporer
ses idées dans un montage qui est présenté en sneak preview
à Santa Monica⦠sans succès.
Philippe Lombard