En 1967, Yves Boisset tourne Coplan
sauve sa peau (alors intitulé Les Jardins du diable)
à Istanbul. Klaus Kinski arrive sur place pour
interpréter le rôle d'un sculpteur érotomane.
"J'avais imaginé que son personnage de sculpteur
avait installé son atelier dans un hammam de l'époque ottomane
pour y façonner des seins de femmes de deux mètres de diamètre
et des vagins d'un mètre cinquante de haut. Bien entendu, cet aménagement
un peu particulier avait enthousiasmé Kinski qui en découvrant
le décor eut une idée géniale. Il fallait qu'il joue nu.
Mais pour Kinski, nu, cela voulait dire entièrement nu. Ce qui était
parfaitement impensable à l'époque dans un grand film public.
Klaus ne voulait pas en démordre.
- Pour jouer ce personnage extraordinaire, j'ai besoin d'une
liberté totale. Tu comprends bien que le moindre vêtement m'empêcherait
d'être complètement libre.
Je finis par trouver un arrangement. D'accord, il jouerait
nu, mais je m'arrangerai pour le cadrer au-dessus de la ceinture. Il n'en restait
pas moins que sur le tournage, il était nu. Informés de ces facéties
par leurs épouses, les maris des maquilleuses et des habilleuses turques
ont pris ombrage de cet exhibitionnisme et ont fait appel à la police.
Trois heures après le début des prises de vue, Klaus et moi étions
arrêtés pour outrage public à la pudeur et conduits sans
ménagement, menottés et entravés, à la prison principale
d'Istanbul. Il suffit de repenser à Midnight Express pour réaliser
que ce n'était pas une partie de plaisir.
Drapé dans une couverture, comme un sénateur
romain dans sa toge, Kinski était ravi. Il bramait avec des accents shakespeariens :
- C'est l'éternelle histoire de l'artiste opprimé
par la censure. Je suis comme Oscar Wilde dans sa prison.
Derrière les grilles qui nous séparaient d'eux,
les détenus turcs le regardaient avec un certain ahurissement, sans très
bien comprendre pourquoi il avait l'air au comble du bonheur. Il fallut plusieurs
heures à la production pour obtenir notre libération sous caution.
Le lendemain, le tournage put reprendre sous haute surveillance policière
avec un Klaus Kinski torse nu, mais les reins enrobés dans une sorte
de sarouel du plus bel effet."
Philippe Lombard