En 1974, Jean-Pierre Mocky tourne une scène de L'IBIS ROUGE dans une ancienne clinique sur le point d'être détruite, et donne des indications à Michel Galabru et Michel Serrault, comme s'en souvient ce dernier :
« - Michel, on va faire l'arrivée de l'ascenseur, quand vous débarquez avec Galabru.
Je regardai autour de moi. Il n'y avait pas d'ascenseur mais seulement le monte-charge de la clinique. Je voyais mal comment une plate-forme rouillée allait se transformer en ascenseur d'immeuble bourgeois haussmannien où nous étions supposés nous trouver. D'autant qu'il n'y avait plus d'électricité. N'importe quel autre metteur en scène aurait renoncé, fait un scandale, convoqué la presse, sombré dans la déprime. Pas Mocky. Avec Galabru, nous avons vu arriver une épave de camionnette, et deux potes, plus ou moins clodos, de notre metteur en scène, en sortir.
- Salut, les gars ? Vous avez la grille ? leur a demandé Mocky.
- La v'là !
Ils ont sorti une très belle grille en fer forgé (d'où venait-elle ? Mystère) que Mocky a placée devant le monte-charge immobile. La caméra derrière la grille. Il a demandé à Marcel Weiss, le chef opérateur, un vieux monsieur charmant qui avait éclairé de grands films dans les années trente et quarante, de créer une lumière mobile qui donnerait l'illusion d'un ascenseur en mouvement. Quant à Michel Galabru et moi, il nous fit nous accroupir et nous relever lentement, de façon à nous faire apparaître progressivement derrière la grille de cet ascenseur qui arrivait à l'étage... Soufflés par le culot de Mocky, Galabru et moi nous sommes appliqués à faire craquer nos articulations un nombre incalculable de fois, car nous n'étions jamais synchrones ! Et plus on se baissait et relevait, plus on riait et Mocky rouspétait après notre manque de sérieux !
Il n'empêche : en bricolant comme il le faisait, Mocky retrouvait les vieilles recettes du cinéma balbutiant et fauché, et je défie quiconque de s'apercevoir que l'ascenseur de L'IBIS ROUGE est un artifice. »
Philippe Lombard