La Mouche d'Henri Verneuil
Posté le 2013-10-31 00:26:12

Pour l'un des sketchs du MOUTON A CINQ PATTES, Henri Verneuil a prévu une scène où quatre matelots s'adonnent à un jeu particulier : chacun pose un sucre devant lui et gagne si la mouche qui vient d'être lâchée se pose dessus. Il faut que la mouche marche sur la table et hésite... Plus facile à écrire qu'à filmer ! L'Institut Pasteur vend dix mouches carnaires à la production. Verneuil fait appel à un entomologiste, qui lui conseille de sectionner les balanciers qui relient les ailes au corps pour l'empêcher de voler.

«Moteur ! Nous enlevons le verre pour libérer la mouche. Et ce fut la catastrophe. La mouche sentant qu'elle ne pouvait pas voler (ce qui était sa fonction essentielle) se mit à traverser la table dans tous les sens à une vitesse inimaginable. Ses forces étaient décuplées. Elle zigzaguait avec une rapidité telle, que même l'œil suivait difficilement ses déplacements.»

Henri Verneuil réfléchit toute la nuit à une autre solution et décide d'anesthésier la mouche. Le jour suivant, «je plaçais la mouche aux balanciers coupés dans une éprouvette avec un coton trempé dans l'éther, pendant exactement trois minutes. À la sortie de l'éprouvette, elle était morte. Je renouvelais les essais en supprimant chaque fois dix secondes d'anesthésie. À une minute trente secondes, le miracle se produisit. La mouche se réveilla lentement, s'étira, frotta ses pattes avant, comme si elle se préparait à un bon festin, et se mit lentement à se déplacer suivant une superbe arabesque entre le morceaux de sucre. Ivre d'éther, elle s'approchait d'un sucre, puis décidait d'aller vers l'autre, puis changeait sa route pour aller vers un troisième, et ne montait que sur le quatrième.

Placée sur le visage de Fernandel en très gros plan, elle descendait lentement le long du nez, contournait ses lèvres pour aller dans le creux de son menton. Elle exécuta remarquablement tous les mouvements prévus par le scénario. Elle méritait bien cette année-là le grand prix de l'interprétation féminine qu'elle n'eût pas.»

Philippe Lombard

[Sources : «V... comme Verneuil» de Christian-Marcel Russo (Ciné-revue, 1979)]

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