Longtemps assistant-réalisateur, le Suisse Carl Schenkel a réalisé son premier film «Kalt wie eis» en 1981, en Allemagne. Pour le suivant, qui ne bénéficiera pas d'un gros budget, il se souvient d'un projet de court métrage qu'il avait eu pour la télévision quelques années auparavant. «Un fait divers m'avait donné l'idée d'un script. Ce court métrage ne s'est pas fait, mais nous en avons discuté pendant deux ans. Une nuit, j'ai appelé un ami à Hambourg, Frank Göhre, et nous avons écrit le scénario en deux heures. Bien sûr, nous l'avons retravaillé ensemble, mais l'essentiel a été trouvé en deux heures. Nous l'avions tout de même préparé pendant deux ans !». L'histoire est simple mais efficace : un vendredi soir dans un grand immeuble de bureaux, quatre personnes se retrouvent coincées dans un ascenseur en panne.
Il faut maintenant trouver un lieu pour tourner. Schenkel visite toutes sortes de cages d'ascenseurs à Munich. Il part ensuite pour Francfort où un immeuble construit dans les années 70 lui fournit ce qu'il cherche : une cage dont les murs ne sont pas plâtrés. Il obtient l'autorisation de tourner la nuit après les heures de bureau. Pour la cabine, deux en fait sont construites à Munich (avec un plancher de trois mètres sur quatre) dans une maison en démolition. «L'une d'elles avait des parois amovibles. Nous nous préparions dans une cabine et tournions dans l'autre. Après une prise, il nous suffisait de retourner à l'autre cabine et de faire la prise suivante. Nous avons ainsi gagné beaucoup de temps».
Pour le casting, Carl Schenkel tenait absolument à Götz George, qui avait alors arrêté le cinéma depuis quinze ans pour se consacrer au théâtre et à la télévision (où il triomphait dans la série «Schimanski»). Il avait été une vedette populaire dans les sixties apparaissant notamment dans plusieurs westerns de la série des Winnetou ainsi que dans «Blood of Fu Manchu» de Jesus Franco. «Ce qui l'a convaincu d'accepter «Out of order», c'est de me voir faire sa doublure pour les scènes de cascades lors des répétitions : étant super macho, il a refusé qu'on le double pour toutes les cascades».
Wolfgang Kieling joue le comptable qui espère fuir avec une valise bourrée de billets ; il a déjà été le partenaire de George dans «Le Jeu de l'Assassin» en 1961 et «Le Roi et son bouffon», un téléfilm de 1980. Il a aussi été dirigé par Hitchcock dans «Le Rideau déchiré». La jolie actrice hollandaise Renée Soutendijk («Spetters» et «Le 4ème Homme» de Paul Verhoeven) incarne la maîtresse de George, bientôt intéressée par le jeune rebelle joué par Hannes Jaenicke.
40 jours de tournage sont nécessaires (pour mettre en boite les 923 plans prévus) et l'exiguïté du décor ne rend pas les choses faciles pour l'équipe, comme s'en souvient Schenkel. «Si quelqu'un est de mauvaise humeur, s'il a mal dormi ou s'il a un problème quelconque, tout est vu immédiatement par les autres, tout est ressenti. C'est une fatigue incroyable pour les acteurs. Au bout de cinq heures de tournage, vous êtes épuisés : les êtres humains ne sont pas faits pour vivre dans ces conditions».
Dans les scènes finales, la tension entre les personnages est extrême (la valise du comptable une fois entrée dans l'équation n'arrangeant rienâ¦). Les câbles commencent à lâcher et la cabine tombe sur plusieurs dizaines de mètres. Deux réparateurs leur envoient une corde mais tous ne s'en sortent pas⦠«Nous étions perchés à 100 mètres au-dessus du sol, le vent hurlant et sifflant, où chaque pas fait pouvait être le dernier. à l'exception de deux chutes exécutées par des cascadeurs yougoslaves, Götz George et Hannes Jaenicke firent eux-mêmes toutes les scènes d'escalade». Et Schenkel de conclure : «Cette semaine à Francfort a été la semaine la plus exténuante de toute ma vie».
Philippe Lombard