Django (1966)
Posté le 2009-02-19 14:43:11

En 1964, Sergio Corbucci a déjà une solide expérience de réalisateur quand il se lance dans le western (après la comédie et le péplum). Mais Massacre au grand canyon (1964), Le Justicier du Minnesota (1964) et Ringo au pistolet d'or (1966) n'ont pas encore vraiment la patte de leur auteur et ne connaissent que des succès modestes. Corbucci se met alors à écrire une histoire avec son frère Bruno, qui n'est encore qu'une ébauche, par ailleurs inspirée de Pour une poignée de dollars de Sergio Leone : un étranger arrive dans une ville où s'affrontent deux clans. Parce qu'il a lu une bande dessinée où le héros traîne un cercueil, Sergio Corbucci décide de faire apparaître le personnage du film de la même façon. Et lui donne le nom de Django pour une raison bien particulière : «Je suis passionné de jazz et le nom d'un célèbre jazzman m'a toujours fasciné : Django Reinhardt. Ainsi, dès que j'en ai eu la possibilité, j'ai utilisé ce nom pour le personnage de mon film.»

Il écrit la trame en pensant à l'américain Mark Damon, qu'il vient de diriger dans Ringo au pistolet d'or (l'acteur affirme qu'il a lui aussi participé au scénario). Son assistant, Ruggero Deodato, tente de le dissuader de l'engager. «J'avais trouvé Mark Damon vraiment mauvais et il aurait gâché le personnage de Django. Lorsque Sergio m'a demandé si j'avais quelqu'un en tête, je lui ai répondu Franco Nero sans hésiter. Un de mes amis me l'avait présenté et j'étais frappé par son charisme et l'intensité de son regard.» Manolo Bolognini, l'un des co-producteurs, abonde dans son sens, mais son associé Franco Rossellini verrait plutôt Peter Martell (alias Pietro Martellanza).

«Tout le monde continuait à hésiter, raconte Nero. Alors Sergio, Bolognini et Rossellini ont pris le portrait de Mark Damon, celui de Peter Martell et le mien, afin de les présenter au distributeur Fulvio Frizzi, dont le choix devait être définitif. J'ai été choisi en un clin d'œil.»

Franco Nero hésite pourtant à accepter un western, de peur que cela n'ait une influence néfaste sur sa carrière (!). C'est le réalisateur Elio Petri (qui le dirigera en 1969 dans Un coin tranquille à la campagne), l'époux de son agent, qui le convainc en lui suggérant qu'il n'est pas connu et qu'il n'a rien à perdre. Il signe le contrat et débute le tournage en décembre 1965 aux studios Elios dans la banlieue de Rome, où le décor d'une ville western est utilisé par de nombreuses productions. Le froid et l'humidité transforment la rue principale en mare de boue et Corbucci décide d'en rajouter.

Mais la production a été lancée un peu trop rapidement et le travail d'écriture s'en est ressenti. Après trois jours de prises de vue, Corbucci comprend qu'il ne peut avancer plus avant et décide avec son équipe d'arrêter là. «Manolo Bolognini a alors réagi, se souvient Nero, et fait ce commentaire : «OK ! Maintenant, on s'arrête : mais le temps de trouver un dénouement à cette histoire. Parce qu'on va la continuer, cette histoire de Django avec Nero !» C'est ainsi que Bruno Corbucci a écrit une petite histoire qui a permis d'aller jusqu'au bout dans l'aventure de Django. On est parti en Espagne, pour une partie du tournage et puis on a terminé le travail en Italie.»

Le film se fait véritablement au jour le jour. L'idée de Django extirpant une mitrailleuse de son cercueil ne vient qu'au moment de tourner la scène. Les cagoules rouges des hommes du major Jackson sont proposées par Ruggero Deodato pour cacher la laideur des figurants, car il n'a pas pu engager les gens habituels et a dû se reporter sur des Romains des faubourgs… Pour la scène où le bandit Rodriguez coupe l'oreille du mouchard et la lui met dans le bouche, Corbucci dit s'être «amusé comme un fou en tournant ces plans. J'aime jouer de la violence sur les détails qui peuvent amuser les gens. La mort est une chose qui peut être comique.» Les censeurs de plusieurs pays ne partageront pas son sens de l'humour et couperont la scène.

Ne pouvant s'appuyer sur un scénario solide, Franco Nero doit trouver lui-même les caractéristiques et les motivations de son personnage. «Je voyais Django comme un personnage versatile, à la fois froid, calculateur, méthodique, mais un peu roublard. Je lui ai aussi apporté cette aura mystérieuse et énigmatique qui se manifeste à travers la dureté de son regard. Pour moi, Django est quelqu'un qui a vu l'Enfer et qui a mis la mort au défi en la regardant dans les yeux.»

Sergio Corbucci est ravi de son acteur et fait même venir Sergio Leone sur le plateau pour le lui présenter ! Nero découvre quant à lui un metteur en scène joyeux et brillant dans l'improvisation, mais aussi un peu fainéant ! Ses journées de tournage ne commencent jamais avant midi et il les prépare rarement la veille… L'acteur se souvient du tour que lui a joué Corbucci au moment du tournage de la scène d'ouverture :

«Après s'être concerté avec son équipe, Sergio m'a pris à part et m'a dit : «Tu vas avancer droit devant toi en traînant le cercueil et tu ne te retourneras pas avant de m'entendre hurler «Stop !» dans le mégaphone.» je sentais que la scène allait être pénible à tourner. La pente de la colline était haute et le cercueil était un gros encombrement. Sergio crie : «Action !» et je fais ce qu'il me demande pendant dix bonnes minutes. Je n'entends rien. Par précaution, je continue de marcher cinq minutes de plus. Et lorsque je me retourne, je vois que Sergio et son équipe ont déguerpi en silence en me laissant seul sur cette satanée colline ! (rires) Sergio adorait faire ce genre de farce.»

Sergio Corbucci et Franco Nero se retrouveront sur Le Mercenaire (1968) et Compañeros (1970). «John Ford avait John Wayne, moi j'ai Franco Nero» dira le cinéaste.

Philippe Lombard

[Sources : «Ciné Zine Zone» n°9bis, «La Revue du cinéma» n°246, «Mad Movies» n°161 et hors-série «Spécial Italie», http://fangoriaonline.com, «Seul au monde dans le western italien» de Gian Lhassa et Michel Lequeux (Grand Angle, 1987), «Django : et le western apporta la violence» de Robin Gatto (Wild Side Vidéo, 2004)]

Titre Original :
DJANGO

Année : 1966

Nationalité : Italie / Espagne

Réalisé par :
Sergio Corbucci

Ecrit par :
Sergio Corbucci, Bruno Corbucci, Franco Rossetti, Piero Vivarelli & Jose Gutierrez Maesso

Musique de :
Luis Enriquez Bacalov

Interprété par :
Franco Nero, Jose Bodalo, Loredana Nusciak, Angel Alvarez & Gino Pernice


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