En 1975, Albert R. Broccoli, qui vient de se séparer de
son associé Harry Saltzman, essaie de trouver une bonne histoire pour
L'espion qui m'aimait. Les scénaristes Derek
Marlowe et Stirling Silliphant ne l'ayant
pas satisfait, il contacte alors Anthony Burgess,
l'auteur de Orange mécanique. Il n'est pas très difficile
de comprendre les raisons qui l'ont conduit à refuser son scénario.
Jugez-en plutôt par ce résumé écrit par Burgess
lui-même :
"L'organisation C.H.A.O.S. (Consortium for the Hastening of the Anihilation
of Organized Society) dominée par un méchant du type Orson Welles,
cloué sur une chaise roulante, a l'ambition de ne servir ni la Russie,
ni tout autre pays communiste, mais d'humilier le monde et de détruire
l'autorité dans ses principes religieux et civils. Il y avait sans doute
quelque chose de trop sophistiqué dans ce concept qui ignore l'argent
(dans la première scène, des millions de dollars sont brûlés),
mais il devenait possible en donnant au méchant une très belle
fille, dont le visage accusait une affreuse difformité. Elle déteste
le monde et veut le voir détruit. Elle déteste aussi les services
secrets britanniques, pour avoir aimé auparavant l'agent 009 (elle ne
réalise pas, en fait, qu'il s'est fait tuer). Les rougeurs sur son visage
sont apparues juste après la pseudo-désertion de 009. C'est apparemment
purement psychosomatique.
La Reine et tous les ministres du Commonwealth doivent être assassinés
dans l'Opéra de Sydney, à moins qu'ils ne fassent des cabrioles
dans la nudité la plus totale devant les caméras des télévisions
du monde entier. Des systèmes explosifs, activés à distance
par radio, sont insérés sous la peau d'innocentes victimes, qui
ont été opérées de l'appendicite dans une clinique
bavaroise.
James Bond débute ses investigations, puis est capturé et
torturé par la fille au visage abîmé, mais il lui enseigne
l'amour ; la difformité disparaît alors comme par magie..."
Philippe Lombard